Le 17 décembre 2024, le Musée Guimet a accueilli le 3ème Forum Chine-France de Paris, un événement désormais incontournable. Ce forum, placé sous le symbole du chiffre trois, trouve une résonance particulière dans la culture chinoise. Le trois y incarne l’harmonie, la complétude et la dynamique, transcendant les oppositions pour relier le ciel, la terre et l’humanité.
Dans un contexte mondial troublé, où les tumultes politiques en France et les conflits internationaux fragilisent les relations, ce forum s’est présenté comme un moment charnière pour repenser l’avenir commun. Autour de trois thématiques essentielles – l’art, l’économie et la diplomatie – il a permis d’explorer des pistes de coopération et de dialogue pour renforcer les relations sino-françaises.
Dès notre arrivée, nous sommes accueillis par l’installation monumentale de Jiang Qiong’er, artiste et architecte, qui a transformé le Musée Guimet en un parcours initiatique. Ses créatures mythologiques, nichées à l’extérieur, invitent à une réflexion profonde sur les qualités humaines fondamentales : le courage, la sagesse, et la bienveillance. Inspirée de la pensée chinoise, cette œuvre évoquait l’importance de l’équilibre dynamique dans la recherche de solutions collectives aux défis contemporains.
L’ouverture officielle du forum a été marquée par une vidéo de Laurent Fabius, Président du Conseil constitutionnel, appelant à construire des liens durables pour garantir la stabilité mondiale.
L’ambassadeur de Chine en France, Lu Shaye, a ensuite pris la parole, rappelant son rôle de gardien des relations sino-françaises. Avec éloquence, il a comparé la diplomatie à un navire :
“La diplomatie est un navire dans l’histoire de notre humanité. Et il faut piloter ce navire quelles que soient les tempêtes et les difficultés.”
Son discours, teinté d’émotion, a mis en lumière la constance et l’engagement nécessaires pour maintenir un dialogue constructif entre les deux nations.
Trois panels pour une vision globale
La journée a été structurée autour de trois panels, symbolisant les dimensions clés des relations sino-françaises : politique, économique et culturelle.
1- Le panel stratégique : tracer une voie dans un monde en mutation
Face à l’instabilité géopolitique, ce panel a permis d’explorer des orientations futures pour renforcer les relations bilatérales.
-Jean-David Levitte, ancien conseiller diplomatique, a souligné la nécessité d’un dialogue stratégique pour éviter la fragmentation d’un monde multipolaire.
-Éric de La Maisonneuve, président de la Société de Stratégie, a partagé des anecdotes sur les rendez-vous manqués entre la France et la Chine notamment celui avec Deng Xiaoping, rappelant l’importance de ne jamais laisser passer les opportunités historiques.
-Hervé Azoulay, vice-président chez AA&W Strategy Consultants, a plaidé pour un multilatéralisme équitable, fondé sur le respect des différences culturelles.
-Jean-Paul Tchang, économiste, a mis en garde contre le double discours européen, appelant à une approche plus sincère et pragmatique dans les relations avec la Chine.
2-Le panel économique : le monde comme marché, la confiance comme socle
Dans ce panel, les intervenants ont exploré les opportunités offertes par le marché globalisé, en soulignant l’interdépendance croissante entre les économies française et chinoise.
-Jean-Paul Agon (L’Oréal) a rappelé que la Chine représente 30 % du chiffre d’affaires mondial de son groupe, témoignant de l’importance stratégique de ce marché.
-Marc-Antoine Jamet (LVMH) a décrit la Chine comme une source d’inspiration, soulignant que les échanges bilatéraux atteignent plus de 15 milliards d’euros.
-Bertrand Stoltz (STMicroelectronics) a mis en avant l’importance de la coopération technologique, notamment dans les secteurs clés comme les semi-conducteurs.
-Léo Liu (Huawei France) a conclu en rappelant que seule une confiance mutuelle peut permettre à l’innovation de prospérer et de rapprocher les peuples.
Les chiffres, loin d’être froids, ont ainsi esquissé un avenir économique dynamique : les deux pays s’accordent sur le fait que l’innovation et les marchés émergents – notamment l’intelligence artificielle et les énergies vertes – seront les piliers de leur coopération future.
3-Le panel culturel : cultiver l’amitié et les échanges humains
Le dernier panel a célébré la culture comme pont entre les imaginaires, mettant en lumière son rôle essentiel dans la transformation durable des relations sino-françaises.
Jiang Qiong’er, avec son œuvre “Gardiens du Temps”, a illustré l’importance de reconnecter passé et présent à travers l’art. Les participants ont été invités à explorer des valeurs intemporelles telles que la sagesse, la bravoure et la liberté.
Joël Bellassen, sinologue, a été salué pour son rôle pionnier dans l’introduction de l’enseignement du chinois en France. Lors de son intervention, il a raconté sa rencontre avec Valéry Giscard d’Estaing, qui, dès les années 1970, avait compris que l’apprentissage de la langue chinoise serait crucial pour l’avenir des relations culturelles. Bellassen a souligné : “Apprendre une langue, c’est entrer dans une culture par la porte de son esprit.”
Yannick Lintz, présidente du Musée Guimet, a insisté sur le rôle des institutions culturelles dans la préservation des liens historiques entre la France et la Chine, tandis que Nicolas Idier, inspecteur général de l’éducation, a évoqué la dimension émotionnelle et spirituelle des échanges avec la Chine, portée par la notion de “Xin” (cœur et esprit).
Une conclusion inspirante : trois mots pour construire l’avenir
Les discours de clôture, prononcés par Jean-Pierre Raffarin et Lu Shaye, ont résumé l’essence de cette journée. Raffarin a rappelé que toute relation durable nécessite des efforts constants et une vision partagée.
Lu Shaye, dans un discours empreint de sagesse, a proposé trois mots pour guider les relations sino-françaises :
-politique : dialogue, pour dissiper les méfiances et renforcer la compréhension mutuelle ;
-économique : confiance, socle indispensable pour une coopération fructueuse.
-culturelle : jardiner, car les fleurs de l’amitié doivent être cultivées avec soin et patience.
Il a conclu avec une citation de Confucius : “À 60 ans, l’homme a les oreilles douces. Il peut ainsi rester serein et accepter les différences.”
Cette maturité, fruit de six décennies d’échanges, augure d’un avenir plus tolérant et objectif, où les deux nations, malgré leurs différences, poursuivront leur quête commune de stabilité et de prospérité.
Ainsi, ce 3ème Forum Chine-France de Paris a marqué une étape importante dans la consolidation d’une relation harmonieuse, enracinée dans la sagesse des anciens et nourrie par les efforts contemporains.
*SONIA BRESSLER est fondatrice de La Route de la Soie - Éditions.
