Des enfants peignent le caractère « 福 » (Bonheur) lors d’une activité du Nouvel An chinois en présence de familles de la République de Corée, de Finlande, de Thaïlande et du Pakistan dans l’ancienne ville de Langzhong (Sichuan), le 29 janvier 2019.
L’année 2025 aura été jusqu’à présent une année pleine de surprises. Avec la réélection de Donald Trump, les États-Unis ont intensifié la guerre commerciale avec la Chine, engagée dès son premier mandat, et lancé une offensive rhétorique et une avalanche de droits de douane contre leurs voisins, le Canada et le Mexique. L’ère de la mondialisation et du libre-échange fondés sur des règles semble révolue, du moins pour l’économie américaine.
La Chine est aujourd’hui confrontée à un environnement international très différent de celui des dernières décennies, où toutes les tendances pointaient vers une interdépendance économique croissante. Les perspectives sont désormais moins prévisibles et moins stables, avec une montée du protectionnisme et de la coercition économique. Il faut s’attendre à davantage de guerres commerciales et technologiques, ainsi qu’à des risques accrus de conflits réels, tandis que les lignes de front de la compétition géopolitique se dessinent et se redessinent sous l’effet d’une révolte populiste contre l’ordre ancien et face à la peur d’un ordre nouveau dans le pays le plus puissant du monde.
Pour la Chine, seule puissance capable de contrebalancer des États-Unis de plus en plus imprévisibles, comme pour le monde, il est difficile d’exagérer l’importance des choix à venir. Ces choix, en termes simples, se résument soit à suivre les États-Unis dans le tourbillon du nationalisme, de l’imprévisibilité et de la confrontation, soit à maintenir un cap clair et constant vers la modernisation et l’internationalisme, en poursuivant le développement national tout en promouvant la coopération internationale.
Les « deux sessions » de 2025, à savoir celle de l’Assemblée populaire nationale et de la Conférence consultative politique du peuple chinois, ont souligné l’engagement des dirigeants chinois en faveur de la stabilité, d’une transition vers les secteurs émergents de haute technologie et verts, intégrés à l’économie internationale.
Des signaux forts étaient déjà envoyés avant les « deux sessions » quant à l’importance du secteur privé chinois, qui fournit 80 % des emplois urbains et génère 70 % de l’innovation technologique. Il faudra s’attendre à de nouvelles vagues de réformes axées sur le marché et à des efforts accrus pour mettre les entreprises privées sur un pied d’égalité avec les entreprises publiques. Cela sera bienvenu, compte tenu de la période difficile que les entreprises ont traversée ces dernières années.
Alors que l’économie chinoise devrait poursuivre sa croissance autour de 5 % par an, le Rapport d’activité du gouvernement chinois que le Premier ministre Li Qiang a présenté à l’Assemblée populaire nationale contient des déclarations importantes, reconnaissant et traitant des problèmes structurels tels que la nécessité impérieuse d’accroître la consommation intérieure, de développer le secteur des services et d’améliorer la protection sociale.
Le gouvernement chinois continue de chercher à stabiliser le marché immobilier et à traiter progressivement la question de l’endettement des collectivités locales, ce qui témoigne de l’importance qu’il accorde à la prévisibilité et à la durabilité de la dette locale, plutôt qu’au risque de changements de cap soudains. Plusieurs nouvelles mesures visent à atténuer les risques et à alléger les pressions, telles que la recapitalisation des banques d’État, les incitations pour remplacer les équipements anciens, l’offre de logements abordables, ainsi que la rénovation des villages urbains.
De nouveaux investissements ont été annoncés dans la R&D afin de soutenir les nouvelles technologies et la modernisation industrielle. La Chine investit dans les secteurs productifs d’avenir et les bénéfices de l’innovation sont évidents dans la domination de la Chine dans le secteur des véhicules électriques, des énergies renouvelables et, plus récemment, dans les avancées de l’intelligence artificielle.
D’un point de vue plus général, l’économie chinoise doit passer d’une croissance tirée par les investissements en capitaux à un modèle plus durable, axé sur la consommation, si elle veut éviter le « piège du revenu intermédiaire », qui a posé des difficultés à d’autres pays en développement. Après quelques années difficiles, le monde des affaires observera attentivement la manière dont les nouvelles annonces soutiennent la croissance, la productivité et la modernisation.
Les entreprises internationales suivront également de près les réformes économiques. Après la suppression l’an passé de toutes les restrictions d’accès au marché pour les investisseurs étrangers dans le secteur manufacturier, Li Qiang a annoncé une plus grande ouverture dans les secteurs des télécommunications, de la santé et de l’éducation.
L’année à venir pour l’économie chinoise sera déterminante pour l’économie mondiale. La Chine représente 30 % de la croissance mondiale, un tiers de la production manufacturière mondiale et son économie de 18 500 milliards de dollars est profondément intégrée aux marchés mondiaux. La Chine est la première nation commerçante au monde et un investisseur de plus en plus important.
Les déclarations des dirigeants lors des « deux sessions » montrent que la Chine redouble d’efforts pour atteindre son objectif d’être reconnue, du moins au sein des pays en développement, comme un fervent défenseur de la mondialisation et du multilatéralisme.
L’émergence de cet ordre mondial n’en est qu’à ses balbutiements, mais tous les regards seront tournés vers la Chine pour voir comment elle œuvre dans son rôle d’artisan de la paix dans les zones de conflit, proches ou lointaines. Sur le plan économique international, si la Chine parvient à sortir de sa transition d’un pays à revenu intermédiaire à un pays à revenu élevé en tant que force d’innovation et moteur du développement durable mondial, les années d’incertitude à venir seront porteuses de risques tout comme elles le seront d’immenses opportunités.
*DAVID MORRIS est président de 1Earth Village, chercheur principal au Centre pour la Chine et la mondialisation, et ancien diplomate australien.