Le commerce international doit suivre des règles fiables et ne pas se laisser prendre au piège des tweets délirants et des mesures punitives.
Au port de BLG Autoterminal Bremerhaven, en Allemagne, des véhicules sont chargés sur des navires, le 1er avril 2025. L’annonce du président américain Donald Trump concernant de nouvelles taxes douanières sur les véhicules importés suscite des inquiétudes. Les experts mettent en garde contre des répercussions majeures, en particulier pour les constructeurs allemands.
L’abus récent des droits de douane par le gouvernement américain me rappelle une célèbre citation de William Shakespeare : « Il délire, mais sa folie ne manque pas de méthode. » L’administration Trump continue d’utiliser ses astuces politiques habituelles, d’abord en proférant des menaces et en exerçant une pression extrême pour obtenir des avantages à court terme, puis, une fois confrontée à des contre-mesures, elle retire certaines des menaces, laissant finalement sur son sillon des répercussions négatives difficiles à éliminer. L’annonce américaine des droits de douane a provoqué un choc dans le monde entier, et la suspension ultérieure de certains droits de douane sur plus de 75 partenaires commerciaux n’était qu’un geste tactique, et non pas un revirement stratégique. Cela révèle pleinement l’incohérence de la politique commerciale américaine pendant le mandat de M. Trump. Bien que l’Europe bénéficie d’un répit de trois mois, elle est toujours confrontée à une surtaxe de 10 %, apparemment « considérablement réduite », tandis que les droits de douane imposés à la Chine ont grimpé à 145 %. Cette escalade des sanctions économiques déclenchera une réaction en chaîne mondiale.
Nous assistons ici à une forme d’exercice du pouvoir économique qui ne repose pas sur la coopération mais sur la confrontation, une sorte d’intimidation économique qui démontre un rapport de force à court terme, mais détruit la confiance à long terme. Cela conduit à la fragmentation, à l’incertitude et, en fin de compte, à une résistance croissante parmi les partenaires concernés.
Dans les circonstances actuelles, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) doit assumer un rôle plus crucial que jamais. Elle ne doit pas être un simple spectateur, mais un organe d’arbitrage actif. Mais pour pouvoir remplir cette mission, l’OMC doit de toute urgence faire avancer les réformes, renforcer sa capacité à s’imposer et obtenir le soutien politique de ses États membres. Le commerce international ne peut fonctionner efficacement que s’il repose sur des règles claires et fiables, plutôt que sur des tweets ou des mesures punitives unilatérales.
Il faut être lucide, car la pression économique, même sous la forme de frappes dites de précision, n’est pas une stratégie durable. Cette approche sapera les bases de la coopération et aura des effets contraires, et au bout du compte, même la partie qui exerce cette pression ne pourra pas rester indemne. Pour une économie tournée vers l’exportation comme l’Allemagne, l’imprévisibilité de l’administration Trump est extrêmement perturbatrice. Ce dont les entreprises ont besoin, c’est d’une planification fiable, et non de politiques capricieuses. L’Europe doit avoir une vision à long terme, mais aussi faire preuve de retenue dans l’évaluation de la situation actuelle et ne pas se laisser entraîner dans le tourbillon d’un cercle vicieux de confrontation.
En ce qui concerne l’Allemagne et l’Europe, je suis donc en faveur d’un ajustement stratégique plutôt que d’une réponse du tac au tac. Nous devons réduire notre dépendance économique à l’égard d’un partenaire de plus en plus protectionniste et établir des alternatives diversifiées en renforçant les relations commerciales avec l’Asie, en augmentant les investissements en Afrique et en améliorant le marché intérieur européen.
La décision des États-Unis d’imposer des tarifs douaniers spécifiques sur les produits chinois a montré que le gouvernement américain actuel n’a pas l’intention de rechercher une solution basée sur un partenariat avec la Chine, mais a choisi la voie de la confrontation et de la pression. Mais cela n’est clairement pas dans l’intérêt de l’Allemagne ni de l’Europe. C’est pour cette raison que la Chine et l’Europe devraient se rapprocher. Ce type de convergence n’est pas le fruit d’une démarche impulsive, mais repose sur des convictions communes. La relance de l’Accord global sur les investissements Chine-UE, le renforcement des projets d’investissement conjoints dans des domaines clés et l’approfondissement de l’ouverture bilatérale des marchés permettront d’atténuer efficacement la pression économique actuelle et d’insuffler un nouvel élan de croissance dans la coopération Chine-UE.
Il est vrai que la concurrence acharnée des entreprises chinoises posera des défis aux entreprises locales en Europe, mais une concurrence saine peut stimuler l’innovation et contribuer à renforcer la résilience de l’économie européenne. Dans un monde où les anciennes structures commerciales deviennent de plus en plus fragiles, de nouveaux axes sont nécessaires.
Cette année, la Chine et l’UE célèbrent le 50e anniversaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques, ce qui constitue une étape importante. Ce moment historique est à la fois un carrefour symbolique et une opportunité stratégique. À l’heure où l’ordre mondial subit de profonds changements et où les modèles traditionnels sont modifiés, la Chine et l’Europe peuvent envoyer trois signaux clés au monde : démontrer la stabilité et la fiabilité des relations entre les grandes puissances, pratiquer les principes d’équité et de justice dans les échanges internationaux et construire conjointement un avenir de développement stable, prospère et durable.
La Chine et l’UE doivent profiter de cette occasion pour approfondir leur coopération dans tous les domaines, de l’économie aux sciences et technologies en passant par la culture. La tâche urgente est de créer un nouveau paradigme de communication, de discuter ensemble de nouvelles normes pour le commerce international et de s’opposer fermement au nationalisme économique.
À l’avenir, le partenariat stratégique global Chine-UE deviendra une force stabilisatrice importante dans le monde fragmenté d’aujourd’hui, non pas comme un camp contre d’autres pays, mais comme un modèle de coopération gagnant-gagnant dans un ordre multipolaire. Ce n’est que par le respect mutuel, l’ouverture et l’inclusion, et la confiance mutuelle que nous pourrons préserver, voire rétablir une paix durable entre les nations.
*MICHAEL SCHUMANN est président du conseil d'administration de l’Association fédérale allemande pour le développement économique et le commerce extérieur.