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1945-2025 : Le combat continue

2025-08-30 13:46:00 Source: La Chine au présent Auteur: DAVID GOSSET*
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Quatre-vingts ans après la victoire contre le fascisme, entendons cet appel à la vigilance et à l’action au service de la paix. 

Une femme dépose des fleurs au pied d’un mémorial lors de la Journée de commémoration de l’Holocauste à Riga en Lettonie, le 4 juillet 2025. 

Il y a 80 ans, le monde célébrait la fin de la Seconde Guerre mondiale, un cataclysme qui avait plongé l’humanité dans l’abîme. Ce conflit, le plus meurtrier de l’histoire humaine, ne s’est achevé que grâce à une alliance improbable, mais décisive, entre des nations aux systèmes politiques, aux cultures et aux intérêts souvent divergents. Ce fut, en effet, l’union entre la Chine, les États-Unis, l’Union soviétique, le Royaume-Uni et la France du Général de Gaulle qui permit de vaincre le fascisme, ce totalitarisme brutal, aveugle et conquérant qui menaçait les libertés fondamentales, les droits des peuples et l’équilibre mondial. Ces cinq nations devinrent les membres permanents du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies.

Commémorer cette victoire, 80 ans plus tard, n’est pas seulement un devoir de mémoire. C’est un acte de vigilance. Car si la guerre a été vaincue en 1945, la paix, elle, reste une œuvre inachevée, fragile, toujours à défendre, toujours à reconstruire. C’est ce combat pour une paix active, fondée sur le dialogue interculturel et les coopérations concrètes, que poursuit aujourd’hui notre Initiative mondiale Chine-Europe-Amérique, connue sous le nom de China-Europe-America Global Initiative.

La Seconde Guerre mondiale fut un affrontement aux dimensions planétaires entre deux visions du monde : d’un côté, le fascisme et le militarisme, portés par l’Allemagne nazie, l’Italie mussolinienne et le Japon impérial de Hirohito ; de l’autre, les forces de la liberté et de la résistance, réunies dans une coalition aussi diverse qu’inédite.

Le peuple chinois, première victime de l’agression japonaise dès l’Incident du 18 septembre 1931, mena une guerre longue et héroïque contre l’envahisseur, au prix de dizaines de millions de vies perdues. Puisse-t-on ne jamais oublier le massacre de Nanjing, perpétré en 1937, car il représente l’une des manifestations les plus terrifiantes de la barbarie humaine : viols systématiques, meurtres de masse, exécutions sommaires, tortures infligées à des civils sans défense par l’armée japonaise après la prise de cette grande ville chinoise. Ce crime contre l’humanité, longtemps nié et encore minimisé par certains, demeure non seulement une blessure profonde dans la mémoire collective de la Chine, mais il déchire les consciences de tous ceux qui appartiennent à la famille humaine.

Les États-Unis, attaqués à Pearl Harbor le 7 décembre 1941, mobilisèrent leur immense puissance industrielle, scientifique et militaire pour s’engager en Europe et en Asie. L’Union soviétique, après avoir subi l’assaut brutal de l’Allemagne nazie, fut le théâtre de combats titanesques, notamment à Stalingrad de juillet 1942 à février 1943, tournant décisif du conflit. Le Royaume-Uni, dirigé par le vieux lion Winston Churchill, refusa de céder lors des heures les plus sombres, et fit face seul pendant de longs mois. Enfin, la France libre du Général de Gaulle, malgré l’occupation, porta la voix de la résistance et contribua à la reconquête du territoire national.

Ces cinq puissances, malgré leurs spécificités politiques, culturelles ou idéologiques, surent mettre de côté leurs différences pour faire front commun. Ce n’était que par cette alliance, et par la prise de conscience partagée de l’urgence à défendre l’humanité contre la barbarie, que la victoire devenait possible.

Cérémonie de sonnerie de cloche au Musée d’histoire de l’Incident du 18 Septembre à Shenyang (Liaoning), le 18 septembre 2024

Mais cette paix conquise dans le sang ne signifia nullement la fin de l’histoire. Elle fut le commencement d’une nouvelle responsabilité : celle de bâtir un monde où les conflits seraient résolus autrement que par la force. Or, ce qu’illustre la vie des nations depuis 1945, c’est que la paix n’est jamais acquise. Elle demeure le fruit d’équilibres précaires, souvent menacés par le retour des nationalismes, des tensions géopolitiques, des injustices sociales, des chocs culturels.

La Guerre froide, les conflits en Asie, en Afrique, au Moyen-Orient, les interventions militaires, les crises migratoires ou climatiques ont rappelé que les graines du chaos ne sont jamais totalement éradiquées. Aujourd’hui encore, les risques sont nombreux : rivalités économiques et technologiques, désinformation, replis identitaires, montée des extrémismes, et surtout, absence trop souvent de dialogue patient et attentif. La paix ne meurt pas seulement par les bombes, elle meurt aussi par l’indifférence, par l’érosion de la confiance entre les peuples, par des processus de diabolisation de l’Autre.

Nous ne devons pas laisser les malentendus se transformer en tensions, ni les désaccords en fractures. Le respect mutuel, la reconnaissance de l’altérité, la valorisation des différences comme des richesses plutôt que comme des menaces, sont les piliers d’une paix durable. Le XXe siècle a montré les conséquences de la haine idéologique et de la xénophobie ; le XXIe siècle doit être celui de l’interdépendance assumée, du dialogue renouvelé, de la coopération multilatérale.

Ce dialogue ne doit pas rester théorique. Il doit se traduire en actions concrètes. La coopération internationale est la traduction pratique de cette volonté de paix. Dans les domaines de la santé, de l’environnement, de la technologie, de l’éducation, les nations doivent travailler ensemble, échanger leurs savoirs, leurs innovations, leurs bonnes pratiques. Les risques de pandémie comme celle de COVID-19, le dérèglement climatique ou les inégalités économiques mondiales sont autant de défis qui ne connaissent ni frontières ni idéologies. Face à eux, aucune nation ne peut agir seule. La Chine, l’Europe et les Amériques, en particulier, ont un rôle fondamental à jouer pour construire des ponts là où d’autres érigent des murs.

Nous œuvrons précisément à cette interconnexion positive, à cette diplomatie de la société civile, à cette volonté de faire converger les intelligences et les volontés vers un objectif commun : éviter une répétition de l’histoire tragique et poursuivre sur le chemin du progrès humain et social.

Les cérémonies du 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale ne doivent pas être de simples moments de recueillement et une série de rencontres officielles. Elles doivent être un signal, un rappel et un appel. Le signal que la paix a été possible grâce à la solidarité des peuples. Le rappel que cette paix, comme la civilisation d’ailleurs, demeure toujours à reconstruire. Et l’appel à renouveler notre engagement en faveur d’un monde plus juste, plus sûr, plus humain.

Chaque génération a sa propre responsabilité dans la construction de la paix. En célébrant les héros de 1945, nous devons aussi nous interroger : que faisons-nous, maintenant, pour être les artisans de la paix d’aujourd’hui et de demain ? Le souvenir de la victoire sur le fascisme n’a de valeur que s’il nous pousse à refuser le brutalisme sous toutes ses formes – y compris celles, plus insidieuses, de l’intolérance, du racisme, du mépris ou de l’indifférence.

S’engager pour la paix aujourd’hui, c’est aussi défendre l’Organisation des Nations unies, car elle demeure le seul cadre universel où les nations peuvent dialoguer, coopérer et tenter de résoudre pacifiquement leurs différends. Nous le savons tous fort bien, l’ONU n’est pas parfaite : ses blocages, ses lenteurs et certaines dérives appellent des réformes profondes pour la rendre plus efficace, plus démocratique et plus représentative des réalités contemporaines. Mais la discréditer ou l’abandonner reviendrait à renoncer à un projet fondamental de la civilisation humaine : la conviction que la négociation, le droit et la coopération internationale valent mieux que la loi du plus fort. Détruire ou négliger l’ONU, ce serait ouvrir la porte à un monde encore plus violent et instable. Défendre et réformer l’ONU, c’est donc, aujourd’hui plus que jamais, une œuvre essentielle pour préserver la paix et préparer un meilleur avenir pour notre humanité.

Alors, ne prenons jamais la paix pour un acquis ! C’est un projet, toujours à remettre sur le métier. Comme en 1945, c’est par l’alliance des peuples, la coopération entre les nations, et le dialogue entre les cultures que nous pourrons la préserver. Le monde d’aujourd’hui, confronté à des défis globaux, dont celui vertigineux de l’intelligence artificielle, a plus que jamais besoin des volontés tendues vers l’humanisme dans la résistance à tout ce qui voudrait blesser la dignité humaine.

C’est en ce sens que nous inscrivons notre action : cultiver la mémoire pour construire l’avenir, et rappeler sans relâche que la paix n’est pas une évidence, mais une urgence du présent et un impératif absolu pour le futur.

 

*DAVID GOSSET est spécialiste des relations internationales et sinologue. Il est le fondateur de l’Initiative mondiale Chine-Europe-Amérique (China-Europe-America Global Initiative).

 

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