Vue du port de Qingdao, qui a ouvert trois lignes internationales de conteneurs « la Ceinture et la Route » vers l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est, le 17 novembre 2024
Les « Deux Sessions » constituent un moment charnière pour définir les orientations stratégiques de la Chine. En tant qu’usine et marché mondial, la Chine a dévoilé sa trajectoire vers un État socialiste moderne, prospère, puissant, démocratique, hautement civilisé et harmonieux d’ici à 2049. Sur le plan international, elle poursuivra encore cette année une dynamique d’approfondissement de son ouverture économique, notamment à travers l’initiative « la Ceinture et la Route » (ICR), un projet phare qui crée des opportunités partagées à l’échelle mondiale.
L’ouverture économique demeure une priorité absolue pour la Chine, toujours conçue en cohérence avec ses objectifs nationaux. Depuis son lancement en 2013, l’ICR a démontré sa résilience, contrastant avec les projets occidentaux concurrents, qui sont restés largement inaboutis.
Il a été rappelé, encore cette année lors des débats, l’importance de stimuler la construction conjointe de haute qualité de l’ICR, marquant ainsi l’entrée dans la seconde phase du projet. D’après un rapport de la Banque mondiale, l’achèvement des projets d’infrastructures de transport dans le cadre de l’ICR permettra une croissance du volume commercial des pays partenaires comprise entre 2,8 % et 9,7 %, et sortira près de 40 millions de personnes de la pauvreté, tout en apportant des avantages socio-économiques importants.
Après cette période d’investissements dans les infrastructures lourdes, pilier indispensable à la création de croissance, les cibles des investissements se réorientent vers des projets de plus petite taille, touchant des secteurs tout aussi essentiels à la vie des populations concernées. Cette évolution est en phase avec la dimension verte de l’ICR et les ambitions de la Chine de jouer un rôle majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le projet agricole de la vallée de la rivière Rufiji en Tanzanie en est un parfait exemple. Bien que centré sur l’agriculture, ce projet met l’accent sur une approche respectueuse de l’environnement et durable.
On peut également évoquer la santé et l’éducation, qui offrent des résultats rapides et bénéfiques sur le long terme, tout en nécessitant un investissement moindre. Par exemple, en Afrique, le développement des ateliers Luban illustre cette tendance. Ces centres de formation professionnelle sont aujourd’hui présents dans plus de 10 pays africains, dont le Kenya, l’Afrique du Sud, le Nigéria, l’Égypte, la Côte d’Ivoire et l’Éthiopie, dispensant des compétences techniques aux jeunes Africains.
En partageant son expertise dans plusieurs domaines stratégiques du XXIe siècle, la Chine renforce son rôle incontournable auprès de ses partenaires. Cette ouverture économique et ce transfert de connaissances doivent permettre d’élever les niveaux de vie, de mieux interconnecter les économies mondiales et, ainsi, de réduire les conflits à l’échelle internationale. Une aspiration louable à laquelle tous les acteurs internationaux devraient adhérer. Cette volonté d’ouverture et de collaboration se reflète également dans le respect et la crédibilité acquise par la Chine sur la scène diplomatique mondiale.
Une station-service Sinopec à Colombo (Sri Lanka), le 5 février 2025
Des partenariats régionaux renforcés
Symbole de cette ouverture, la Chine intensifie ses efforts pour diversifier ses partenaires économiques en prévention des perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale. L’ASEAN est devenue son premier partenaire commercial, avec des échanges bilatéraux atteignant 911,7 milliards de dollars en 2023. Cette relation s’appuie sur l’Accord de Partenariat économique régional global, qui couvre un marché de 2,2 milliards de consommateurs et représente près d’un tiers du PIB mondial.
L’ICR joue ainsi un rôle clé dans la diversification des débouchés commerciaux et le développement de nouveaux pôles d’exportation. En Asie centrale, la Chine renforce sa coopération industrielle avec le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, développant des chaînes de valeur intégrées dans des secteurs comme l’extraction minière et la production d’engrais. En Afrique, elle mise sur le transfert technologique pour stimuler une industrie locale plus compétitive, favorisant ainsi une croissance inclusive.
L’innovation est également au cœur de cette stratégie. Le gouvernement chinois encourage les entreprises technologiques à exporter leurs solutions à travers les différentes routes, tout en ouvrant son immense marché aux entreprises des pays de l’ICR. Par exemple, dans le domaine du transport de fret sur le corridor ferroviaire Chine-Europe, l’entreprise kazakhe KTZ Express s’est implantée à Xi’an pour jouer un rôle plus important sur cette route partagée.
Le stand L’Oréal dans la Zone d’exposition des biens de consommation de la 7e Exposition internationale d’importation de la Chine (CIIE) à Shanghai, le 9 novembre 2024
Un cadre mutuel et d’accueil renforcé
Dans un monde marqué par des tensions croissantes entre grandes puissances, la Chine aspire à jouer un rôle plus actif dans la gouvernance économique mondiale. Lors des « Deux Sessions », les dirigeants chinois ont souligné leur engagement en faveur du multilatéralisme et de la coopération internationale, avec pour objectif de favoriser une ouverture de haut niveau, de s’aligner sur les règles économiques et commerciales internationales les plus strictes et d’élargir de manière stable l’ouverture institutionnelle, notamment en direction des entreprises étrangères.
Pour attirer les investissements directs étrangers (IDE), la Chine propose des mécanismes traditionnels tels que les zones de libre-échange (ZLE). On peut citer les efforts entrepris avec le port de libre-échange de Hainan, conçue pour devenir une plaque tournante du commerce international grâce à des exonérations fiscales et à un régime spécial pour les IDE. Il en va de même pour la ZLE de Chongqing, particulièrement utile aux partenaires de l’ICR en Asie du Sud-Est, et qui jouera un rôle encore plus important à l’avenir en raison des projets de construction ferroviaire déjà réalisés au Laos, en Malaisie et en Thaïlande, et bientôt au Vietnam. Ce corridor sera, sans nul doute, le principal moteur de croissance de l’ICR à l’horizon 2035.
La Chine accorde une importance particulière à la mise en réseau, aux rencontres et aux discussions entre partenaires, en multipliant les efforts pour organiser des foires commerciales d’envergure où les pays de l’ICR sont bien représentés. On pense notamment à l’Exposition internationale d’importation de la Chine, à la Foire chinoise de l’importation et de l’exportation (Foire de Canton), à la Foire internationale du commerce des services de Chine, à l’Exposition mondiale du commerce numérique et à l’Exposition internationale des produits de consommation de Chine.
Enfin, il ne faut pas oublier le développement de douanes intelligentes visant à simplifier et accélérer les procédures de dédouanement. Le commerce numérique joue un rôle clé dans cette transformation, avec des entreprises chinoises pionnières qui facilitent ces échanges. Grâce aux accords avec la ZLE de Xi’an, le Kazakhstan exporte désormais ses produits agricoles plus rapidement vers la Chine via les plateformes de commerce numérique.
Depuis douze ans, l’ICR illustre les opportunités et les avancées majeures d’une Chine de plus en plus ouverte, favorisant des convergences entre les économies mondiales. Qu’il s’agisse de petits pays ou de grandes puissances, l’ouverture économique et les échanges apparaissent comme la seule voie vers un développement partagé et prospère.
L’avance de la Chine dans des secteurs stratégiques du XXIe siècle, tels que l’intelligence artificielle et les énergies vertes, renforce son rôle de moteur essentiel pour la croissance mondiale et le développement humain.
*ADRIEN MUGNIER est directeur de l’Observatoire français des Nouvelles Routes de la Soie.
