Cérémonie d’ouverture de la troisième session de la 14e APN au Grand Palais du Peuple à Beijing, le 5 mars 2025. L’APN a examiné le rapport du Conseil des Affaires d’État sur la mise en œuvre du Plan national de développement économique et social 2024 et sur le projet de Plan national de développement économique et social pour 2025, ainsi que le projet de Plan national de développement économique et social pour 2025.
Les « Deux Sessions », organisées à Beijing, constituent une fenêtre essentielle pour observer les orientations économiques de la Chine. Cet événement annuel de la vie politique chinoise attire une attention particulière, car il révèle comment la deuxième plus grande économie mondiale perçoit et ose le changement et comment elle s’y adapte. Face à des défis tels que la rivalité entre grandes puissances, la révolution technologique, la transformation économique et la gouvernance sociale, la Chine déploie une planification stratégique pour promouvoir sa croissance et tracer une voie unique vers la modernisation à la chinoise. Cette année, les incertitudes externes, amplifiées par le « choc Trump », et les pressions internes, liées à des déséquilibres structurels accumulés, ajoutent une complexité accrue à ce contexte.
Le 5 mars, le Premier ministre Li Qiang a présenté le Rapport d’activité du gouvernement (ci-après « Rapport ») lors de la troisième session de la 14e Assemblée populaire nationale (APN), apportant des éléments de réponse à ces enjeux cruciaux.
Des techniciens agricoles utilisent un drone d’épandage au-dessus d’un champ de blé dans le village de Hezhuang, à Zhenjiang (Jiangsu), le 14 mars 2025.
Les changements
Le Rapport dresse un bilan du développement socio-économique stable de la Chine en 2024 et des résultats obtenus dans sept domaines clés. Il fixe également les objectifs et les orientations politiques pour 2025, tout en proposant dix tâches prioritaires pour le gouvernement.
À la lecture, on peut découvrir l’apparition de nombreux nouveaux concepts tels que l’intelligence artificielle (IA) incarnée, la 6G, les entreprises « licornes », la méthode de budget base zéro, le commerce offshore de type nouveau, l’investissement dans la personne, et l’assouplissement de politiques restrictives. Ces termes reflètent les leviers stratégiques pour accélérer le développement de haute qualité de l’économie chinoise et réformer les politiques macroéconomiques.
Le Rapport souligne que les nouvelles forces productives de qualité, incarnées par l’IA, les véhicules à énergies nouvelles (VEN), la fabrication d’équipements de pointe, les circuits intégrés et la technologie quantique, ont connu un développement rapide, renforçant considérablement la capacité d’innovation de la Chine.
Au cours de l’année écoulée, la fabrication intelligente chinoise a dépassé les cercles économiques et technologiques pour s’imposer dans la vie quotidienne et sur le marché mondial. En 2024, la Chine a produit plus de 13 millions de VEN, propulsant l’industrie automobile mondiale dans une ère d’innovation accrue. Peu avant la fête du Printemps, Deepseek R1, développé par la start-up DeepSeek, a fait une apparition fracassante grâce à son excellent rapport qualité-prix et à son architecture innovante, provoquant l’éclatement de la bulle de la tech américaine et défiant les barrières technologiques américaines, axées sur la puissance de calcul. Les robots humanoïdes d’Unitree ont brillé avec leur danse synchronisée sur la scène du gala de l’année du Serpent. La mission Chang’e-6 a rapporté pour la première fois des échantillons de sol lunaire provenant de la face cachée de la Lune. Les exportations de puces électroniques ont dépassé les 1 000 milliards de yuans. Et le dévoilement, en une seule journée, de deux modèles d’avion de combat de sixième génération en vol d’essai a abasourdi le monde.
Début février, la Deutsche Bank a publié un rapport soulignant que le secteur high-tech chinois est entré dans un « moment Spoutnik », suscitant une réévaluation mondiale du potentiel d’innovation des entreprises chinoises et de la valeur de leurs actifs. La modernisation de la structure industrielle, stimulée par le développement des nouvelles forces productives de qualité, s’accélère. Parmi les dix tâches majeures mentionnées dans le Rapport, deux concernent l’innovation, reflétant ainsi la volonté politique de la Chine de guider la nouvelle révolution technologique et industrielle.
Tout en reconnaissant les réalisations accomplies, le Rapport dresse une évaluation claire et objective des problèmes et des défis auxquels la Chine est confrontée. À mesure que les obstacles à la circulation économique internationale ou les tensions géopolitiques se multiplient, les risques pour l’économie chinoise sont accentués et proviennent pour la plupart des actions des États-Unis. Début mars, à la veille des « Deux Sessions », le président Trump a annoncé des droits de douane supplémentaires sur les produits chinois, les portant à 20 %, tout en lançant des enquêtes commerciales et en imposant des restrictions aux investissements dans plusieurs secteurs.
Sur le plan national, la reprise économique reste fragile, avec une consommation atone et des risques persistant dans les secteurs tels que l’immobilier, la dette des gouvernements locaux et la finance. Face à ces défis, la Chine prend des mesures proactives : la stimulation de la consommation figure parmi les dix priorités du gouvernement, et une attention particulière est portée à la prévention des risques financiers systémiques. Pour la première fois, la stabilisation du marché immobilier et du marché boursier a été intégrée aux objectifs de développement socio-économique de l’année. Parallèlement, la Chine poursuit son ouverture de haut niveau pour maintenir la stabilité du commerce extérieur et des investissements. Pour s’adapter aux bouleversements du paysage économique et commercial international, elle explore également des initiatives innovantes telles que l’élargissement des fonctions des zones de coopération économique et commerciale à l’étranger et le développement du commerce offshore de nouveau type.
De plus, ces aléas internationaux ont conduit à un changement d’orientation des politiques macroéconomiques chinoises. La nouvelle approche adoptée dans le rythme de publication des mesures est remarquable : « Plus tôt on agira, plus vite on prendra les mesures nécessaires, moins grand sera le risque d’être pris de court par l’imprévu. Il s’agit de prendre des trains complets de mesures au bon moment, en les rendant plus efficaces », peut-on lire dans le Rapport. Cette démarche illustre parfaitement la forte détermination et le profond engagement du gouvernement chinois à stabiliser l’économie et à maîtriser les risques.
La nouvelle orientation des politiques macroéconomiques, révélée dans le Rapport, reflète un changement marquant dans la manière dont le gouvernement chinois aborde les défis internes et externes à la croissance. Ce virage a commencé à se dessiner lors d’une réunion du Bureau politique du Comité central en septembre 2024, où une série de mesures ont été déployées, incluant une baisse des taux d’intérêt et du ratio de réserve obligatoire, des efforts de désendettement et une stimulation des marchés de capitaux. Ces orientations ont été confirmées et renforcées lors des « Deux Sessions ».
L’expansion budgétaire atteint un niveau sans précédent : le taux de déficit budgétaire est fixé à 4 %, dépassant pour la première fois la ligne rouge symbolique des 3 %. Par ailleurs, des emprunts d’État spéciaux à très long terme d’une valeur de 1 300 milliards de yuans seront émis, soit une augmentation de 300 milliards de yuans par rapport à l’année dernière. Le gouvernement prévoit également de mettre en œuvre une méthode de budget base zéro pour améliorer l’efficacité de l’utilisation des fonds, tout en régulant dynamiquement la liste des régions à haut risque d’endettement et en aidant ces dernières à exploiter de nouveaux potentiels d’investissement.
La politique monétaire est ajustée, marquant, pour la première fois depuis 2011, un passage à un « assouplissement modéré ». Le gouvernement propose de baisser en temps opportun les taux d’intérêt et le ratio de réserve obligatoire, afin de favoriser le développement sain des marchés boursier et immobilier, soutenir l’innovation technologique et le développement vert, stimuler la consommation et aider les entreprises privées et les petites entreprises et microentreprises. Dans le contexte d’une baisse persistante des prix actuels, la Chine vise une hausse d’environ 2 % des prix à la consommation des ménages en 2025. Cette approche, plus souple que restrictive, vise à orienter davantage de flux financiers vers l’économie réelle.
Le modèle Xiaomi SU7 Ultra est dévoilé au Mobile World Congress à Barcelone, le 3 mars 2025.
La constance
Après la lecture du texte intégral, nous pouvons percevoir des ambitions lointaines et des préoccupations du quotidien. Cette dualité permet de ressentir pleinement la détermination du gouvernement chinois, qui allie innovation et fidélité à ses engagements initiaux, traçant ainsi un chemin à travers les défis et les obstacles. Cette perspective inspire confiance et laisse entrevoir une nouvelle année riche en espoir et en réalisations prometteuses.
Malgré de multiples défis, la Chine a affiché une performance économique satisfaisante en 2024 : augmentation de 5 % du PIB, un taux de croissance qui se classe parmi les plus élevés des principales économies mondiales ; création de 12,56 millions d’emplois dans les agglomérations urbaines, avec un taux de chômage moyen de 5,1 % ; record du volume du commerce extérieur, accompagné d’une part de marché internationale élargie ; production céréalière qui a franchi pour la première fois la barre des 700 millions de tonnes ; baisse d’environ 3 % de la consommation d’énergie par unité de PIB.
Pendant les congés du Nouvel An chinois 2025, des phénomènes tels que le succès fulgurant de DeepSeek et le triomphe au box-office du film Nezha 2 ont renforcé les attentes et le moral de la population, offrant une réponse cinglante aux prosélytes du déclin de l’économie chinoise. Face à la montée significative des incertitudes, le gouvernement chinois maintient un objectif de croissance économique de 5 % pour 2025, démontrant sa détermination et sa confiance.
À travers le Rapport, la Chine a réaffirmé un engagement solennel envers sa population : le gouvernement doit optimiser chaque dépense, renforcer la discipline financière et éliminer tout gaspillage ou prodigalité, afin de dégager davantage de ressources pour répondre aux besoins de développement et aux attentes de la population.
Le Rapport a proposé, pour la première fois, l’idée de canaliser davantage de ressources financières vers l’investissement dans la personne, soulignant ainsi l’importance croissante, dans les considérations macroéconomiques, des domaines liés au bien-être public, tels que l’emploi, les revenus, la consommation, les pensions de retraite et les allocations familiales. Cette priorité accordée par le gouvernement chinois au renforcement du sentiment de bonheur, de satisfaction et de sécurité de la population se traduit par des actions concrètes, comme la consolidation des résultats de la lutte contre la pauvreté et les efforts accrus pour stabiliser l’emploi grâce à la création de nouveaux postes de travail. Cette approche incarne une caractéristique essentielle de la voie de la modernisation à la chinoise.
La troisième session plénière du 20e Comité central du Parti communiste chinois a marqué une nouvelle étape dans l’approfondissement global de la réforme et la promotion de la modernisation à la chinoise. Les « Deux Sessions » de cette année incarnent une nouvelle mise en œuvre approfondie de cet esprit réformateur.
Au cours de l’année écoulée, la réforme et l’ouverture n’ont cessé d’enregistrer de nouvelles avancées : la réforme institutionnelle a été pleinement achevée ; des mesures majeures, telles que la construction d’un grand marché national unifié et le report progressif de l’âge légal de la retraite, ont été mises en œuvre. Parallèlement, l’ouverture autonome et unilatérale s’est progressivement élargie, avec la suppression de toutes les restrictions sur les investissements étrangers dans le secteur manufacturier et l’augmentation continue du nombre de pays bénéficiant d’exemptions de visa. La coopération en matière de commerce et d’investissement dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et de la Route » s’est également renforcée. En outre, la Chine accorde une exemption totale de droits de douane pour les produits en provenance des pays les moins avancés ayant des relations diplomatiques avec elle.
Contrairement aux pays occidentaux, en particulier les États-Unis, qui recherchent le découplage, provoquent la rupture des chaînes d’approvisionnement et érigent des barrières protectionnistes, la Chine poursuit fermement son engagement en faveur de l’ouverture sur l’extérieur. Quels que soient les changements dans l’environnement international, elle embrasse activement la mondialisation, partage les dividendes de son développement avec le monde et assume son rôle de grand acteur responsable afin d’apporter davantage de stabilité et d’énergie positive au monde.
*XU GANG est directeur adjoint du Centre d’études sur l’économie mondiale de l’Institut chinois des relations internationales contemporaines.
