Le Mobile World Congress 2025 ouvre ses portes sous le thème « Rassembler, connecter, créer » portant sur la convergence 5G, l’IA+, l’interconnexion industrielle et la connectivité augmentée, à Shanghai, le 18 juin 2025.
Lorsque l’on examine le miracle du développement chinois, l’attention se porte souvent sur les données économiques et les infrastructures. Or, le fondement de sa réussite réside dans une philosophie de gouvernance plus profonde : le « long-termisme ». Cette approche, tournée vers l’avenir et marquée par une patience stratégique, constitue le pilier de stabilité qui permet à la Chine d’avancer avec constance. Parallèlement, elle offre des enseignements précieux à un monde en proie aux incertitudes.
Une boussole alliant vision stratégique et adaptabilité tactique
La planification quinquennale incarne une synthèse entre vision stratégique et gouvernance adaptative. Conçue comme une pierre angulaire institutionnelle depuis plus de 70 ans, elle sert de boussole tant pour fixer des objectifs à long terme que pour s’affronter aux complexités changeantes. Ce mécanisme permet à la Chine de maintenir le cap sur ses finalités tout en s’ajustant aux circonstances, lui offrant ainsi une résilience systémique dans un monde en pleine mutation.
Prenons l’exemple du XIVe plan quinquennal (2021-2025), élaboré dans un contexte marqué par les contrecoups de la pandémie, l’intensification des tensions géopolitiques et l’accélération de la révolution numérique. Ce plan démontre une remarquable continuité dans des domaines clés comme l’autonomie technologique, la neutralité carbone ou la stimulation du marché intérieur, tout en faisant preuve de flexibilité pour répondre aux défis émergents tels que la reconfiguration des chaînes d’approvisionnement, l’accélération de la transition verte ou la libération du dynamisme de l’économie numérique. Cette alliance entre constance stratégique et optimisation dynamique assure à la Chine un élan de développement continu malgré les turbulences internationales.
Quant au XVe plan quinquennal en prévision, une attention accrue sera portée sur des enjeux nouveaux comme la gouvernance de l’intelligence artificielle, l’action climatique ou les aléas de la situation internationale. C’est précisément cette capacité à allier cap fixe et agilité à s’adapter qui constitue l’avantage central du modèle chinois de gouvernance : non pas un simple outil de réponse aux crises, mais un système proactif, anticipateur et ancré dans l’intérêt national à long terme.
Des campeurs profitent des congés de la fête des Bateaux-Dragons aux alentours d’Urumqi (Xinjiang), le 31 mai 2025.
Un stabilisateur face aux bouleversements historiques
Nous traversons une époque marquée de « bouleversements sans précédent depuis un siècle » : reconfiguration profonde de la mondialisation, disruptions technologiques, urgences écologiques et rebattement des cartes géopolitiques. Dans ce maelström de transformations planétaires, l’ancre chinoise demeure fermement rivée aux objectifs de long terme, ce qui démontre une constance aussi admirable que décisive.
Dans la logique de gouvernance du Parti communiste chinois, la modernisation à la chinoise s’appuie sur un sens profond de la responsabilité historique. Elle ne cède pas à l’appât du gain à court terme, car motivée par des aspirations pérennes : amélioration des conditions de vie, prospérité commune et renouveau national. Cette orientation offre au développement chinois une stabilité et une cohérence qui se font rares – mais plus indispensables que jamais – dans le système actuel de gouvernance mondiale.
En effet, la vision à long terme de la Chine lui permet de résoudre des problématiques intercycliques que d’autres systèmes peinent à affronter. Qu’il s’agisse de sortir des centaines de millions de personnes de la pauvreté, d’accélérer la transition verte ou d’investir massivement dans les infrastructures de demain, la Chine aborde ces chantiers avec une perspective stratégique au-delà des considérations immédiates. Cette aptitude à planifier loin constitue un atout décisif face à des défis exigeant des efforts soutenus sur des décennies.
Ce « long-termisme », ancré dans les traditions de gouvernance chinoises, contribue aujourd’hui à l’édifice conceptuel du développement mondial en y inscrivant un paradigme innovant. Alors qu’une grande partie du monde fonctionne au rythme de cycles politiques courts, le modèle chinois offre un récit alternatif où continuité, cohérence et patience stratégique sont au cœur du progrès. Ses novations se manifestent notamment par :
- L’unité entre planification et exécution : Les plans quinquennaux articulent stratégie du gouvernement central et innovations des gouvernements locaux, assurant une cohésion nationale tout en laissant une marge d’expérimentation aux localités territoriales.
- Un développement centré sur le peuple : Les résultats ne se mesurent pas seulement au PIB, mais aussi aux progrès en éducation, santé, revitalisation rurale ou bien-être écologique.
- Une modernisation équilibrée : L’accent est mis sur l’harmonie entre progrès matériel et spirituel, économie et écologie, villes et campagnes, ce qui donne un équilibre souvent absent des modèles occidentaux.
- Une résilience institutionnelle anti-cyclique : La stabilité et la prévisibilité du système des plans quinquennaux atténuent les incertitudes liées aux alternances politiques fréquentes ailleurs.
En substance, la Chine explore un modèle fusionnant instruments de gouvernance moderne et sagesse traditionnelle, offrant ainsi une expérience précieuse aux pays désireux d’échapper au « piège des revenus intermédiaires » et d’atteindre une croissance durable.
Planification et marché : une symbiose fructueuse
D’aucuns s’inquiètent, à tort, que « la planification étouffe la vitalité du marché ». Cette crainte repose sur une méconnaissance de leur synergie dans le contexte chinois. L’expérience du pays prouve au contraire que planification stratégique et mécanismes de marché ne s’excluent pas, mais se renforcent mutuellement.
En Chine, la planification ne se réduit pas à un contrôle rigide ou à une entrave à l’innovation. Elle forme plutôt un cadre stratégique dans lequel le marché opère avec plus d’efficacité et de confiance. L’État fixe les orientations, garantit l’équité sociale et la stabilité macroéconomique, tandis que les entreprises pilotent l’innovation et la production sous la férule des règles de la concurrence. L’émergence en Chine de géants technologiques, de plateformes d’e-commerce florissantes ou de leaders des énergies renouvelables atteste du succès de ce modèle.
Plus fondamentalement, la planification à long terme crée un environnement politique stable et prévisible pour l’investissement et l’innovation. Lorsque les entrepreneurs savent que les infrastructures seront modernisées, que la transition énergétique sera soutenue et que les politiques clés ne fluctueront pas, ils osent prendre des risques et investir dans des projets à rendement différé. Ainsi, loin de brider le marché, l’approche chinoise fédère objectifs publics et dynamisme du secteur privé dans un écosystème propice à une croissance inclusive et durable.
*ZAMIR AHMED AWAN est président fondateur de la Global Silk Route Research Alliance.