
La base d’élevage de poissons d’eau froide Tianyun dans la préfecture autonome kazakhe d’Ili de la région autonome ouïgoure du Xinjiang
Bien que la région autonome ouïgoure du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine, soit l’une des régions les plus enclavées du monde, elle connaît une métamorphose en matière d’eau : l’aquaculture prospère en zones de Gobi ; les rives du désert du Taklamakan, auparavant ravagées par les vents de sable, voient la rose s’épanouir sur des milliers d’hectares ; et les terres jadis stériles sont transformées, par la technologie, en de véritables greniers.
Le Xinjiang, l’une des régions de Chine les plus frappées par la désertification, voyait autrefois plus de 60 % de ses terres menacées par ce phénomène et par la salinisation. Mais ces dernières années, en s’appuyant sur une planification scientifique et l’innovation technologique, la région a su forger un nouveau moteur de développement en transformant ses désavantages naturels. Elle s’est ainsi engagée dans une voie inédite alliant amélioration écologique et croissance économique.

Un technicien apprend aux villageois la technologie d’élevage de la perche à Aksu, dans le Xinjiang, le 10 avril 2025.
Le miracle de l’aquaculture
Loin de la mer, comment développer l’aquaculture ? Le Xinjiang a apporté une réponse ingénieuse. Son atout réside dans l’utilisation innovante des ressources en eau : d’une part, le développement d’une pisciculture à haute valeur ajoutée grâce à des sources d’eau de haute qualité ; d’autre part, la transformation de l’eau salée en « eau de mer artificielle » par des procédés technologiques.
Sur le cours moyen de la rivière Kachgar, dans le district de Nilka (préfecture autonome kazakhe d’Ili), se trouve un réservoir dont l’eau est cristalline et la température est comprise entre 8 et 13 °C toute l’année – des conditions idéales pour les poissons d’eau froide. En 2014, la SARL Xinjiang Tianyun, spécialisée dans l’agriculture biologique, a saisi cette opportunité pour y construire une base moderne d’élevage de saumon.
Nageant dans de vastes installations aquacoles intelligentes, les saumons sont le reflet d’une harmonie entre la technologie et la nature, présente à chaque maillon, de l’alimentation automatisée à la gestion éco-cyclique de l’eau. Aujourd’hui, l’entreprise dispose d’une chaîne industrielle intégrale couvrant la reproduction des alevins, l’élevage intelligent, la transformation avancée ainsi que la valorisation touristique et culturelle, avec une capacité annuelle de 12 000 tonnes. Outre les grandes métropoles chinoises, les saumons du Xinjiang conquièrent également les marchés internationaux.
Si la valorisation des eaux froides de qualité relève d’une approche ingénieuse, adaptée aux conditions locales, l’aquaculture en milieu salin représente une véritable percée technologique, capable de transformer une ressource inutile en richesse. Le 14e Régiment de la 1re Division du Corps de production et de construction du Xinjiang (CPCX) se trouve en bordure nord du désert du Taklamakan. On y trouve une étendue d’eau salée formée sous l’effet d’un canal de drainage destiné à la désalinisation. Autrefois, ce type d’eau était largement laissé à l’abandon. Mais la situation a évolué grâce au soutien technique de l’équipe de Song Yong, maître de conférences de la Faculté des sciences de la vie et de la biotechnologie de l’Université Tarim.
« La première question que nous nous posons ne relève pas de “l’élevage” au sens traditionnel, mais de la recherche d’équilibre entre les poissons et l’écosystème aquatique dans son ensemble. C’est pourquoi la densité des alevins ne doit pas être trop élevée : le but est, après tout, de nourrir l’eau par les poissons et non l’inverse », a expliqué M. Song. Grâce à la construction de canaux de dérivation pour stabiliser le niveau de l’eau, à la sélection d’espèces résistantes à la salinité et à la mise en place d’un modèle d’élevage écologique, cette étendue d’eau salée a été reconvertie avec succès en une base d’élevage pour de nombreuses espèces, telles que le tilapia, la crevette à pattes blanches d’Amérique du Sud et le crabe.
La préfecture de Hotan a, elle aussi, connu une métamorphose similaire. Malgré une eau locale hautement saline et alcaline (pH > 9,5), une combinaison de techniques a permis de corriger sa qualité pour la rendre propice à l’aquaculture, en atteignant un pH neutre à faiblement alcalin, rendant la pêche abondante. Preuve de cette réussite : en 2024, le secteur aquacole de Hotan a atteint une production de 12 000 tonnes pour une valeur de 380 millions de yuans.
Selon les données du Bureau de l’agriculture et des affaires rurales du Xinjiang, la production aquacole de la région (CPCX inclus) a atteint 196 500 tonnes en 2024, soit une hausse de 6,8 % en glissement annuel. L’aquaculture représente désormais une source de richesse pour les habitants de nombreuses zones du Xinjiang.

Deux femmes mettent en caisse les pétales de rose frais stockés dans un entrepôt réfrigéré, dans la préfecture de Hotan de la région autonome ouïgoure du Xinjiang.
Des roses dans le désert
Outre l’utilisation ingénieuse des ressources en eau, le Xinjiang a également remporté des succès significatifs dans la lutte contre la désertification. La culture de milliers d’hectares de roses en plein désert en est la preuve la plus éclatante. Ici, les fleurs ne se contentent pas d’embellir le paysage, elles constituent une chaîne industrielle, alliant écologie, développement économique et tourisme culturel.
Le district de Yutian, situé à l’est de Hotan, en lisière sud du désert du Taklamakan, était longtemps ravagé par les tempêtes de sable. Il est aujourd’hui réputé pour la rosiculture. À Yetaikezile, un village situé à 15 km du district, on a réussi à créer une vaste roseraie qui intègre la plantation, la cueillette, les achats et le tourisme. Cette initiative a ouvert la voie à un nouveau modèle de croissance.
Cette transformation s’appuie sur une démarche scientifique de développement industriel. La rose du désert, résistante à la sécheresse et avide de lumière, est parfaitement adaptée aux conditions naturelles locales. Sous la conduite des autorités locales et des entreprises, les villageois se sont lancés dans la rosiculture à grande échelle, et la chaîne industrielle n’a cessé de s’étendre en aval. La superficie qui lui est consacrée dans le district de Yutian atteint près de 80 000 mu (1 mu = 1/15 ha). En 2024, la production de l’ensemble du district a dépassé 12 000 tonnes, générant en moyenne 3 975 yuans par mu, ce qui a permis à 4 238 foyers d’augmenter leurs revenus. Le développement des produits transformés tels que le thé à la rose, la sauce florale et l’huile essentielle se poursuit afin d’accroître la valeur des cultures.
Un modèle judicieux de culture composite a par ailleurs été mis en place. Dans le verger de pistachiers de Yutian, des rangées de roses du désert sont plantées entre celles des arbres, bien espacées. Il faut six ans pour que les pistachiers puissent produire, tandis que les roses génèrent des revenus peu après leur plantation. Ce modèle optimise l’utilisation des terres et de l’ensoleillement, établissant ainsi une synergie entre développement économique et préservation écologique.

Des villageois travaillent dans un verger construit au milieu d’un désert de Gobi, dans la préfecture autonome kirghize de Kizilsu de la région autonome ouïgoure du Xinjiang.
Une agriculture du désert
Avec l’aide de la technologie moderne, de plus en plus de « nouveaux greniers » sont apparus dans le Xinjiang.
Situé dans le district de Hotan, dans le sud du Xinjiang, le village de Daoxiang abrite d’immenses rizières qui s’étendent à la lisière du désert. Par le passé, cette région était confrontée à un triple défi : la désertification, la salinité des sols et la pénurie d’eau. Si la culture du riz y était possible, les rendements et la qualité restaient médiocres. Grâce aux efforts conjugués d’experts agronomes, ainsi que de cadres et d’agriculteurs locaux, le problème a été résolu par une série de mesures, incluant l’amélioration des sols, la réalisation de travaux d’irrigation et la sélection de semences résistantes à la salinité. Aujourd’hui, la production de riz du village s’est stabilisée à environ 600 kg par mu. Ses rizières dorées et ses maisons au style unique attirent désormais de nombreux visiteurs.
Ce n’est pas un exemple isolé. En 2018, dans les champs d’essai en lisière ouest du désert du Taklamakan, l’équipe de recherche de Yuan Longping (1930-2021), connu comme « le père du riz hybride », réalisait une percée majeure dans la culture du riz, avec un rendement de 549 kg par mu. Par ailleurs, dans les serres high-tech construites à Hotan par l’Académie chinoise des sciences agricoles, il a été possible d’obtenir cinq récoltes par an, affichant un rendement exceptionnel de 5 000 kg par mu. Ces accomplissements portent l’utilisation productive des terres à un niveau sans précédent.
La clé pour exploiter les terres des zones désertiques réside dans le progrès technologique. Dans la base de culture du maïs du district de Qira (extrême-sud du Xinjiang), de vastes machines d’irrigation par aspersion à aiguille se déplacent lentement pour acheminer avec précision l’eau jusqu’aux racines des plantes. Grâce à cette technique, il est possible d’économiser jusqu’à 50 % d’eau par rapport aux méthodes d’irrigation traditionnelles.
Selon le Bureau des forêts et des prairies du Xinjiang, la superficie des cultures spécialisées développées dans les zones désertiques a atteint 1,845 million de mu, pour une valeur de production annuelle de 4,37 milliards de yuans. Une ceinture d’économie verte, fondée sur la construction écologique et soutenue par le développement industriel, ne cesse de s’étendre et de se consolider à la lisière du désert. Toutes les pratiques du Xinjiang représentent une démarche scientifique, adaptée aux conditions naturelles locales. Elles ont généré des bénéfices économiques tangibles pour les populations locales tout en améliorant l’écosystème, et offrent un modèle précieux de développement durable pour les autres zones arides de la planète.