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Quand la Chine devient l'ennemi idéal : la fabrique occidentale de la peur

2025-05-21 16:04:00 Source: Dialogue Chine-France Auteur: SONIA BRESSLER*
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« Comment ne pas haïr la Chine ? » Telle est la question inaugurale, provocante et salutaire, posée par Albert Ettinger dans son essai incisif La Chine : un ennemi fabriqué par la propagande ? — un titre qui, dès le point d’interrogation, invite à la réflexion plus qu’à la polémique. 

À travers une analyse rigoureuse et nourrie de nombreuses sources internationales, Ettinger démonte minutieusement les mécanismes d’un récit médiatique occidental biaisé, souvent sensationnaliste, parfois malhonnête, qui vise à construire la Chine comme figure menaçante, homogène et inquiétante. En filigrane de cette démonstration, c’est toute une architecture idéologique qui se dévoile : celle de la nouvelle guerre froide, où l’information devient arme et la désinformation outil stratégique. 

Une entreprise de délégitimation systématique

Le livre revient sur une série de motifs récurrents dans les discours occidentaux : les accusations de génocide au Xinjiang, la répression à Hong Kong, la menace contre Taïwan, le rôle de la Chine dans la pandémie de Covid-19, la surveillance de masse, le pillage des ressources africaines, le techno-autoritarisme… Chacun de ces thèmes est déconstruit à l’aide d’une double méthode : retour aux faits vérifiables et contextualisation historique. 

Ainsi, sur la question du Xinjiang, Ettinger montre que l’expert le plus médiatisé sur les prétendus camps — Adrian Zenz — est en réalité un fondamentaliste évangélique sans formation sinologique, dont les méthodes d’extrapolation ont été largement disqualifiées par les pairs…. Pire encore, ce récit univoque efface la voix des Ouïghours eux-mêmes qui soutiennent la politique de développement du gouvernement chinois et participent à sa mise en œuvre 

Le rôle trouble des médias et des ONG

Ettinger n’hésite pas à dénoncer le rôle ambivalent de certaines ONG, think tanks et journalistes, souvent financés — directement ou indirectement — par des intérêts géopolitiques atlantistes. Il rappelle que les grandes campagnes de diabolisation médiatique n’ont rien de nouveau : du faux charnier de Timisoara à l’affaire des couveuses du Koweït, les exemples de manipulation de l’opinion ne manquent pas…. 

Dans ce contexte, les accusations portées contre la Chine s’inscrivent dans un imaginaire orientaliste renouvelé, où se superposent la peur du “péril jaune”, la méfiance envers un modèle non libéral et la volonté de préserver une domination occidentale menacée. 

Vers une lecture plurielle et dialogique

Le propos d’Albert Ettinger est clair : il ne s’agit pas de présenter la Chine comme un paradis exempt de contradictions, mais de rappeler que notre vision de ce pays est construite par un prisme déformant. Un prisme qui nuit à toute tentative de dialogue sincère, notamment entre les continents. À l’heure où les puissances africaines et asiatiques cherchent à tisser des partenariats équilibrés, où l’Europe se cherche une autonomie stratégique, ce livre plaide pour un changement de regard. 

En nous incitant à suspendre nos jugements hâtifs, à écouter d’autres voix, et à croiser les sources, La Chine : un ennemi fabriqué par la propagande ? constitue une contribution précieuse à la compréhension mutuelle. Il ne s’agit pas ici de défendre aveuglément un pays ni de nier ses défis internes, mais de souligner l’importance de la nuance, de l’honnêteté intellectuelle et du respect des faits dans l’analyse géopolitique. 

Albert Ettinger nous rappelle à quel point l'information est devenue un champ de bataille, où les mots sont soigneusement choisis pour façonner les perceptions, manipuler les émotions, justifier des politiques. Dès lors, se réapproprier une lecture critique, plurielle, et documentée de la Chine devient un impératif pour toute tentative sérieuse de dialogue entre civilisations. En Afrique, en Europe comme en Asie, cette démarche est d'autant plus urgente que les malentendus nourris par les propagandes croisées mettent en péril des projets communs — économiques, culturels, environnementaux — pourtant indispensables à la stabilité du monde. 

Refuser la logique du bloc contre bloc, sortir du réflexe pavlovien de l’indignation sélective, renouer avec une pensée de la complexité : voilà ce que propose ce livre. Il ne se contente pas de réfuter la désinformation, il appelle à bâtir un espace de débat honnête, informé, où la Chine puisse être vue et comprise pour ce qu’elle est réellement, dans sa pluralité, son évolution, ses contradictions et ses ambitions. Un tel espace de dialogue est plus que jamais nécessaire dans l’ère multipolaire qui s’annonce — non pas pour choisir un camp, mais pour construire ensemble des ponts, là où d’autres veulent dresser des murs. 

*SONIA BRESSLER est fondatrice de La Route de la Soie-Éditions 

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