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Une chorégraphie transcendante

2025-01-13 14:28:00 Source: La Chine au présent Auteur: SONIA BRESSLER*
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Journey to the West est un spectacle mis en scène et chorégraphié par Wang Yabin sur une musique du compositeur français Laurent Petitgirard. 

En octobre, à Beijing, j’ai eu l’occasion de découvrir un spectacle chorégraphique incroyable : Journey to the West. Ce chef-d’œuvre dansé, dirigé par la célèbre chorégraphe Wang Yabin, réinterprète avec une virtuosité singulière l’histoire mythique de La Pérégrination vers l’Ouest de Wu Cheng’en. Datant du XVIe siècle, ce classique de la littérature chinoise narre l’expédition périlleuse de Tang Sanzang, parti en quête des textes sacrés en Inde. Mais ce voyage est tout sauf ordinaire, car ce moine bouddhiste traverse des paysages où monstres et démons cherchent à dévorer sa chair pure, croyant qu’elle leur conférera dix mille années d’immortalité. Heureusement, Tang Sanzang n’est pas seul et des shen (divinités), des xian (immortels), des pusa (bodhisattvas) et des fo (bouddhas) s’unissent pour protéger ce voyage spirituel.

Cependant, dans Journey to the West, l’approche chorégraphique dépasse la simple narration de cette épopée. Wang Yabin choisit de raconter l’histoire à travers les yeux de Sun Wukong, le Roi Singe, rendant cette adaptation à la fois innovante et profondément introspective.

Entre luttes intérieures et énergie cosmique

Dans la vision de Wang Yabin, Sun Wukong incarne à la fois le chaos, la force brute et la quête incessante de transcendance. Les gestes du personnage oscillent entre la fureur animale et une grâce presque divine, exprimant les tensions entre l’instinct et la quête d’harmonie. Inspirée par les philosophies taoïstes et bouddhistes, la chorégraphe transcende la simple esthétique pour explorer l’énergie vitale, ou qi, comme essence motrice de la danse. Chaque mouvement, qu’il s’agisse d’une pirouette aérienne ou d’un simple pas glissé, semble respirer cette énergie cosmique que l’on retrouve au cœur des traditions artistiques et spirituelles de la Chine.

Loin d’être une œuvre purement chinoise, cette chorégraphie est aussi une expérience interculturelle. La fusion de la danse contemporaine, des arts martiaux chinois, et d’une bande sonore mêlant musique symphonique occidentale et instruments traditionnels chinois illustre une profonde synergie entre l’Orient et l’Occident. Cela évoque ce que François Jullien appelle la fécondité de l’écart, où les différences culturelles deviennent des points de rencontre plutôt que des barrières.

Journey to the West est interprété par 14 danseurs.

La beauté comme quête d’harmonie

Ce qui rend Journey to the West si exceptionnel, c’est son questionnement silencieux mais puissant : peut-on atteindre une harmonie intérieure face aux tumultes de l’existence ? Dans les mouvements chorégraphiques, cette réflexion se traduit par des luttes internes, illustrées par les interactions entre Sun Wukong et ses avatars. La pièce met en scène deux Wukong, symbolisant les tensions entre la recherche d’immortalité et l’acceptation des limites humaines. Cette dualité n’est pas sans rappeler les écrits de Laozi, qui prônent l’équilibre entre les forces contraires comme voie vers la sagesse.

Par sa chorégraphie, Wang Yabin rappelle également que la beauté n’est pas un simple artifice esthétique, mais une force capable de réconcilier l’homme avec lui-même et avec le monde. Ce point rejoint la pensée confucéenne, qui considère l’art comme un moyen d’éduquer et d’élever l’âme.

La chorégraphie moderne combine des éléments artistiques traditionnels de la danse et de l’opéra chinois.

Un hommage aux classiques

Ce spectacle fait preuve d’une audace rare en choisissant de raconter l’histoire uniquement par le mouvement, sans texte ni explications superflues. En laissant le corps parler, Journey to the West révèle la puissance de la danse comme langage universel. Cette absence de mots rappelle l’approche minimaliste de Pina Bausch, mais avec une dimension spirituelle spécifiquement chinoise. Les gestes expriment autant qu’ils libèrent, invitant le spectateur à une méditation intérieure.

Wang Yabin a réussi à créer bien plus qu’une adaptation chorégraphique d’un classique. Elle a donné vie à une odyssée spirituelle où l’art devient un pont entre les cultures et un miroir des luttes humaines. Cette pièce est une invitation à découvrir non seulement la richesse de la tradition chinoise, mais aussi la capacité de l’art à transcender les époques et les frontières.

En sortant du théâtre, on ne peut s’empêcher de méditer sur cette question essentielle que Wang Yabin semble poser : la beauté peut-elle sauver le monde ?

 

*SONIA BRESSLER est fondatrice de La Route de la Soie-Éditions.

 

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