La coopération verte sino-européenne façonne un avenir commun et durable.
Production des modules photovoltaïques destinés à l’exportation à Suqian (Jiangsu), le 22 juillet 2025
À l’occasion du 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et l’Union européenne (UE), les dirigeants chinois et européens ont publié une déclaration commune sur le changement climatique. Ils y réaffirment que, dans le contexte international actuel, il est crucial que tous les pays, en particulier les grandes économies, maintiennent la continuité et la stabilité de leurs politiques et intensifient leurs efforts pour lutter contre le changement climatique.
Plus qu’un simple engagement politique, cette déclaration incarne une vision stratégique qui trace la voie de la coopération verte entre la Chine et l’UE pour les cinquante prochaines années. Pour la concrétiser, les deux parties doivent comprendre en profondeur l’évolution de leur rôle respectif en matière de gouvernance climatique, relever les défis et saisir les opportunités grâce à des actions concrètes.
Un moteur essentiel pour le climat
Le changement climatique est un domaine clé de la coopération sino-européenne, alliant résilience et potentiel. Depuis longtemps, l’UE joue un rôle prépondérant dans la gouvernance climatique mondiale grâce à sa capacité institutionnelle et sa force normative. Son cadre réglementaire innovant, ses normes environnementales strictes et son système efficace de tarification du carbone ont servi de modèle dans l’action climatique.
Il n’y a pas si longtemps, lorsque l’on évoquait les pôles d’innovation verte les plus avancés, les réponses renvoyaient souvent à Bruxelles, Berlin et Paris. Cependant, la donne a radicalement changé. La Chine a fait un bond en avant considérable en matière de climat et d’environnement, passant du statut de suiveur à celui de leader. Si la même question était posée aujourd’hui, les réponses s’orienteraient vers Beijing, Hangzhou et Shenzhen.
Grâce à sa puissante industrie manufacturière, la Chine fournit au monde entier, en particulier aux pays en développement, des solutions durables et accessibles – des panneaux photovoltaïques aux éoliennes, en passant par les voitures électriques et les batteries – contribuant ainsi à libérer les économies de leur dépendance aux énergies fossiles.
Comme on l’observe au Népal, les véhicules neufs commercialisés sur son marché sont majoritairement électriques et proviennent pour la plupart de marques chinoises. De même, dans les pays en développement, les panneaux solaires sont essentiellement fournis par des fabricants chinois, notamment Tongwei, LONGi et Trina Solar. CATL a récemment annoncé la construction d’une usine de batteries en Indonésie, et BYD a lancé un projet de stockage d’énergie sans précédent en Arabie saoudite. Ces exemples illustrent le rôle de la Chine non seulement comme un centre manufacturier vert mondial, mais surtout comme un moteur important de la transition énergétique mondiale. Cette évolution appelle la Chine et l’UE à repenser et à élaborer un nouveau paradigme de coopération climatique sous un angle entièrement renouvelé.
Le constructeur chinois Chery présente ses véhicules entièrement électriques et hybrides rechargeables au public néerlandais dans un centre commercial de La Haye, le 13 juin 2025.
Un modèle de « coopétition »
L’essor de l’industrie verte en Chine dynamise l’action climatique mondiale et pose également de nouveaux défis à la coopération sino-européenne : comment gérer de manière appropriée la concurrence et éviter qu’elle ne dégénère en un jeu à somme nulle ?
Un modèle de coopération bénéfique repose sur une division du travail et une complémentarité des avantages respectifs. Une répartition des rôles se dessine entre l’UE et la Chine. Prenons l’exemple du secteur photovoltaïque : grâce à une concurrence acharnée et à une innovation technologique continue, les entreprises chinoises produisent près de 90 % des panneaux solaires dans le monde, contribuant ainsi à une réduction considérable des coûts de déploiement des énergies propres à l’échelle mondiale.
En même temps, l’Europe a intérêt à renforcer ses atouts dans les domaines à forte valeur ajoutée tels que la conception de composants haute performance, la fabrication d’équipements de pointe, l’intégration de réseaux électriques intelligents et la R&D dans les technologies de recyclage, créant ainsi de nouveaux emplois locaux. Cette complémentarité constitue la base d’une situation gagnant-gagnant.
Cependant, les récentes propositions de l’UE concernant les droits de douane sur les véhicules électriques chinois risquent d’obscurcir ce qui devrait être un moment historique pour la coopération climatique. Bien que les préoccupations de l’UE concernant sa propre industrie automobile soient compréhensibles, les mesures protectionnistes ne feront que perturber les chaînes d’approvisionnement vertes mondiales, augmenter les coûts de transition énergétique et entraver la réalisation des objectifs climatiques communs.
Plutôt que d’imposer des tarifs punitifs, la Chine et l’UE devraient se concentrer sur un dialogue constructif afin d’établir des normes technologiques transparentes, des règles équitables en matière de subventions et des cadres commerciaux alignés sur les impératifs climatiques, afin de récompenser efficacement l’innovation bas carbone.
Le domaine des technologies vertes doit devenir un espace de « coopétition » où les deux parties rivalisent pour le leadership tout en œuvrant à définir des règles communes, à préserver l’ouverture des marchés et à promouvoir les investissements conjoints, afin de favoriser le progrès commun grâce à une concurrence saine.
Des engagements aux actions
La signature de la déclaration commune entre la Chine et l’UE n’est qu’un point de départ. Il est essentiel de traduire ces engagements politiques de haut niveau en actions coopératives concrètes. Les deux parties doivent préserver la diplomatie climatique des tensions géopolitiques afin de garantir une coopération solide et efficace. Le changement climatique est notre ennemi commun, et son urgence exige une action immédiate, sans attendre la résolution préalable d’autres rivalités.
Comme l’a souligné Cai Run, chef de la mission chinoise auprès de l’UE, des projets éoliens en Europe à la coopération géothermique entre la Chine et l’Islande, la coopération entre les entreprises chinoises et européennes du secteur vert devrait s’étendre à des initiatives de financement conjoint sur des marchés tiers tels que l’Afrique, l’Asie du Sud-Est et l’Amérique latine. L’alliance des atouts financiers et réglementaires de l’Europe avec l’expertise technique de la Chine pourrait constituer un modèle puissant d’investissement vert à l’échelle mondiale.
À l’approche de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP30) qui se tiendra à Belém au Brésil en novembre, le rôle moteur de la Chine et de l’UE sera une fois de plus sous les projecteurs internationaux. Le 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques Chine-UE revêt une signification bien plus que symbolique : il représente une occasion cruciale de façonner un avenir commun et durable.
Les choix opérés aujourd’hui auront une influence profonde sur des milliards de vies, déterminant si les générations futures hériteront d’un monde marqué par les conflits et la pénurie, ou d’une planète marquée par la prospérité verte et la paix. Pour concrétiser cette vision, les deux parties doivent agir, non pas en rivales, mais comme deux piliers de la gouvernance climatique mondiale, unis par la coopération, l’innovation et la responsabilité collective.
*ERIK SOLHEIM est ancien directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l’environnement.